Aux origines

Impossible d’évoquer la Résistance policière sans parler du réseau Ajax (4). Avec L’Honneur de la Police pour la région parisienne, il est l'un des deux emblèmes majeurs de l’action des policiers contre l’ennemi durant la Seconde Guerre Mondiale. Il tire son nom du pseudonyme que s'est choisi son fondateur, un commissaire de police entré dans la clandestinité. De son vrai nom, il  est Achille Antoine Peretti.

Futur président de l'Assemblée nationale sous la Ve République (mais c'est là une autre histoire), Achille Peretti - qui portera dans la Résistance les alias de Vandeuil, Ajax, Paul Vattier, Lenoir ou encore Filochard -  est né le 1er juin 1911 à Ajaccio (Corse), d'un père rédacteur de préfecture, mort pendant la Première guerre mondiale ; sa mère décède sept ans plus tard. D'abord avocat, Peretti devient commissaire de police en 1938.

Lors des hostilités, il est nommé au poste de Surveillance du Territoire (ST) de Dijon. Mobilisé à sa demande, il doit fuir l'avancée des troupes allemandes. En dépit d'un long périple en voiture, le 19 juin 1940, il ne réussit pas à rejoindre l'Angleterre. Bien que mêlé, avec son collègue Cotoni, à des soldats polonais, il ne peut accéder à un destroyer anglais à Port-Vendres. Peretti rejoint alors Toulouse pour tenter (en vain), en compagnie de l'inspecteur Serre (5), de rencontrer le consul d'Angleterre.

Puis, après un passage par la ST à Clermont-Ferrand et Nice, il gagne son poste de commissaire de Sécurité Publique à Ajaccio, où il contribue très vite à organiser la Résistance. Un document fait remonter son engagement à juillet 1940, date de son homologation au sein du SSMF-TR.

S'attendant à une prochaine occupation italienne, sur recommandation de Cotoni, il travaille alors pour le capitaine Henri Guiraud. Le commissaire Peretti charge un journaliste nommé Fernand Poli de prendre contact avec la commission d'armistice italienne, afin d'y rechercher des informations. Il accueille plusieurs hauts responsables de la ST qui n'ont pas pu passer en Angleterre. Avec les commissaires Dubois et Cotoni, il forme un groupe de résistants policiers, la plupart d'origine corse.

Simon Cotoni recrute un groupe sur l’île pour y préparer le débarquement ; il fournit des faux-documents au réseau Marco, disposant d’un poste émetteur dans son service-même. Peretti se fait muter à Nice où il travaille avec l’ IS (Intelligence Service) et le Colonel Paillole (6). Dès avril 1941, via la Suisse, ont été nouées les premières relations avec l’espionnage britannique, avant que toute la structure policière rejoigne le réseau Ali, dirigé par le capitaine Andlauer, dont Peretti devient le second, en mai 1942.


C’est Peretti  qui, en cette même année 1942, propose Archange Raimondi pour prendre la direction de la Résistance corse. Il ramène aussi sur le continent pour le chef du réseau Ali (4), un copieux rapport sur la situation locale, qui influencera fortement le futur débarquement. Il est arrêté en août 42, pour vols de documents une nuit où il était de permanence, amené devant son directeur, Jean-Félix Buffet, mais relâché faute de preuves.


Muté à nouveau à Vichy, grâce à Antoine Mondanel, Achille Peretti (voir photographie ci-contre) y recrute Léoni, responsable des archives. De concert avec Peretti, ses complices corses aident Fred Scamaroni à organiser le réseau Action R2 Corse, dont le commissaire a été le premier chef, puis le relais vers l’Angleterre, avec l’aide de Cotoni.

Dans ces prémices du réseau de Scamaroni, Peretti se fait remarquer en fournissant à Londres copie d’un rapport d’un commandant du service météo de la Luftwaffe et les résultats d’un cambriolage dans les locaux du lieutenant Manfredi, de la Commission italienne d’armistice.

Avec son ami Poli il fait aussi un vrai tour de la Corse, où les deux hommes recrutent les agents du futur réseau. Après l’arrestation d’un agent de liaisons d’Ali, Peretti est reconvoqué par Buffet, le directeur de la Police Judiciaire : ses explications ne convainquent que médiocrement celui-ci, qui lui accorde enfin la mise en disponibilité que le policier sollicitait depuis un moment ! Peretti redevient avocat à Nice au cabinet de Maître Goïau-Brissonière, qui est aussi un agent britannique, vite arrêté par le SD.


L’ancien commissaire Peretti s’engage alors presque à plein temps au profit d’Ali et jette sur le papier le projet d’un grand service de renseignements fondé sur les policiers. Il organise l’évasion en mai 1943 du chef du réseau Phratrie, Jacques Robert, arrêté en gare de Nice.

Avec la complicité du commissaire Louis Dubois, dans des circonstances rocambolesques, le chef de Phratrie est laissé sans entraves lors d’un transfert : il est enlevé devant les locaux de police par un motocycliste, qui se perd et tous deux repassent en sens inverse... avant de disparaître.

Organisation et actions


C’est avec Robert que Peretti sera exfiltré vers Londres. Cet évènement sert en effet de déclencheur dans l’esprit du premier, qui comprend l’importance du rôle que peut jouer la police dans la Résistance et accepte d’emmener Peretti avec lui en Angleterre. Ils partent avec d’autres résistants : le 1er juin, l’opération Louisiane les amènera tous en Angleterre au départ du terrain de Luzillé.

Le commissaire a déjà enrôlé pour Ajax Michel Hacq, qui sera arrêté en partant en stage à Londres, puis, Barthélémy, Théus et Valantin rejoignent l’ébauche de réseau. Dans la capitale anglaise, Peretti a rencontré le commissaire à l’Intérieur, André Philip, auquel il soumet son idée de créer un nouveau réseau de renseignement et de contre-espionnage fondé sur la Police. Il obtient son accord. De Passy, Peretti reçoit l’autorisation de contacter les autres réseaux, surtout en raison du rôle transversal qu’il a imaginé pour Ajax au profit des autres structures.

Revenu en France en avion le 22 juillet par l’opération Floride, il est déposé à Villers-les-Ormes près de Châteauroux et se rend à Nice, où commence l’aventure du nouveau réseau. Il organise Ajax en 22 secteurs (11 en zone occupée et 11 en zone sud) en débauchant 75 agents d’Ali, duquel il a estimé devoir se séparer après le constat de nombreuses imprudences, au grand dam d’ Andlauer.

D’autres conflits se déclarent avec Brutus –avec lequel il a reçu pour instructions de couper les ponts- et avec Gemähling pour les MUR, puis avec le NAP de Claude Bourdet, qui recrute les mêmes cibles qu’ Ajax : le différend sera réglé par Jacques Bingen. In fine, Ajax compte officiellement 1189 agents, dont 646 policiers, répartis sur une bonne partie du territoire dans une structure dont les secteurs épousent pour l’essentiel le ressort des Brigades de police mobile : une organisation parallèle clandestine telle celle mise en place pour Paris par L’Honneur de la Police.

Vingt-neuf agents seront tués ou mourront en déportation.Peretti subdivise son réseau en réseaux secondaires. Candide en zone sud, avec des prolongements en Espagne, en Italie et en Suisse. Zadig en zone nord et dans les pays limitrophes, ces deux réseaux orientés vers le contre-espionnage, et Micromégas (7), en charge du renseignement militaire et du contre-espionnage (qui œuvre jusqu’en 1945).

Deux sections mobiles (Limoges et la Suisse) sont chargées du contre-espionnage offensif. Peretti recrute largement au sein de la Surveillance du Territoire, puis des Renseignements Généraux. Ses priorités restent la recherche du renseignement, le sabotage de l’action de la police et l’assistance aux autres réseaux.

Cette dernière fonction permet le sauvetage de centaines d’agents. L’action d’ Ajax s’étend rapidement à Vichy. Parmi ses coups d’éclat, il vole et transmet au BCRA le dossier de la condamnation à mort de son chef, le Colonel Passy (voir photographie ci-dessous).

Autre exploit que l’infiltration du commissaire Roland Sicard (8) au sein de l’équipe de la rue Lauriston. A son retour, Achille Peretti est vite devenu suspect à Nice : il gagne Lyon avec Hacq, Paul Torricini et Madame Massoni.

Tous trouvent refuge dans un appartement déniché par Torricini : ils y installent la première centrale d’ Ajax. Cotoni revient de Suisse et les rejoint, bien que condamné à mort et recherché par les Allemands. Le courrier du réseau est regroupé à Lyon, mais part vers Londres d’un terrain situé près de Châteauroux.

Après les coups portés en 1944 à la Résistance lyonnaise, Ajax assure l’expédition quotidienne de 75 à 100 télégrammes grâce à une huitaine de postes émetteurs, débordés. En zone Nord, c’est Pouliquen qui développe l’ébauche de Zadig – qui compte un sous-réseau, Félicité -, avant de passer le relais à Godin et Pons.

Peretti revient à Londres, et y reste (opération Fantôme), le 3 mars 1944 : il est nommé directeur général adjoint de la Police Nationale. Arrivé à Alger, il prépare la mise en place des services de police futurs. Responsable en particulier de la police pour la moitié nord de la France, Peretti fait aussi plusieurs allers-retours entre Newhaven et Arromanches, Bayeux et Cherbourg en mai 1944. Le 6 juin, il aurait (7) quitté Arromanches pour Portsmouth à 8h du matin…

Devenu préfet, il est aussi chargé de la sécurité du Général de Gaulle, qu’il rejoint à Chartres, après le débarquement. A bord de deux voitures (Peretti dans la première et de Gaulle dans la seconde), ils foncent vers Paris, escortés par huit motards de la police récupérés par Peretti à Rambouillet.

A Paris, si, à Notre-Dame, tout le monde tirait en l’air, ce ne fut pas le cas dans certaines rues : la voiture de De Gaulle arrive intacte, mais celle du commissaire avait été touchée plusieurs fois. Peretti participe ensuite à la tête de quatre automitrailleuses de la 2e DB, au nettoyage des nids de résistance allemands de la rue de Bourgogne, puis à la prise de la Chambre des députés.Il termine la guerre chef de mission de 1ere classe et décoré du Distinguished Service Order ; il sera Commandeur de la Légion d’Honneur, Compagnon de la Libération, et décoré de la Croix de guerre, cité quatre fois. Il meurt en 1983.


Quelques grandes figures du réseau

Plusieurs personnages, hommes et femmes, ont marqué de leur empreinte l'histoire du réseau Ajax. Paul Jean Torricini Iris (alias Tomi Paul, M. Yam, Julien Johanny, Lupin) est l'un d'eux. Né en 1903 à Rive-de-Gier (Loire), il entre dans la police à Toulon et devient inspecteur. Il assure la protection de membres de l’ OSS opérant sur la Côte méditerranéenne de 1942 à 1943 aux côtés des commissaires Petitjean et Hacq, principalement au profit de Fred Brown et de son réseau.

Avec l’aide d’un radio, les informations sur le port militaire de Toulon partent en temps réel vers les Alliés. Quand les Allemands disloquent le réseau, les survivants s’éparpillent et Torricini et Mlle Massoni rejoignent Ajax. Homme-clé des liaisons d’ Ajax, il pourvoit aussi au logement de la structure, d’abord chez son propre beau-frère, puis chez un ami policier, le commissaire Guépratte.

L’inspecteur restera un des principaux convoyeurs du courrier d’ Ajax, quand celui-ci ne peut pas transiter dans les enveloppes officielles de la préfecture de police parisienne (PP) ou de la police nationale…

Il contribuera aussi à l’occupation de la Préfecture de police en août 1944. Le policier est homologué capitaine et décoré de la Légion d’honneur, de la Croix de guerre avec citation à l’ordre de l’Armée et de la Médaille de la Résistance. Il sera le premier officier liquidateur d’ Ajax.

Avec l’aide d’un radio, les informations sur le port militaire de Toulon partent en temps réel vers les Alliés. Quand les Allemands disloquent le réseau, les survivants s’éparpillent et Torricini et Mlle Massoni rejoignent Ajax. Homme-clé des liaisons d’ Ajax, il pourvoit aussi au logement de la structure, d’abord chez son propre beau-frère, puis chez un ami policier, le commissaire Guépratte.

Jeanne Massoni (11) - alias Lilas, Yelp, Medor, Blank - ancienne agent de bureau au sein de la police de Toulon-La Seyne, jouera auprès de Peretti et de son successeur le rôle obscur mais capital de secrétaire de la Centrale de Lyon, après avoir été la collaboratrice de Michel Hacq également au sein du SSMF-TR. Elle était membre des réseaux Brown et Ajax (voir sa photographie ci-contre).

Après avoir contribué à la création et à l’installation lyonnaise de ce dernier, toujours aux côtés de Hacq, elle est mise à la disposition, à Paris, du chef de Zadig, André Godin et révoquée en septembre 1943. Jeanne Massoni est homologuée lieutenant et décorée de la Légion d’honneur, de la Croix de guerre avec citation à l’ordre du Corps d’Armée et de la Médaille de la Résistance.

Aux côtés de Peretti, le fidèle Léon Baptistin Théus a joué un rôle capital. Né en 1907 à Melve (Basses-Alpes), il devient commissaire en avril 1937. Il est, lors des hostilités, volontaire dans une unité combattante et affecté à la Sûreté aux Armées de la 1ere Armée française, où il se distingue en mai 1940 notamment dans le Nord et en Belgique, obtenant la croix de guerre.

En mission à Charleroi du 15 au 17 mai, il est pris avec ses hommes sous un violent bombardement malgré lequel il capture des éléments ennemis infiltrés. Il recevra trois autres citations dont une le 30 mai, pour son attitude à Dunkerque lors du torpillage et de l’explosion du Douaisien, en assurant l’embarquement d’une partie de son personnel sur un autre navire. Revenu en France, il est capturé à Rennes le 18 juin, et s’évade grâce à sa carte de police. Repris, il est envoyé dans les Sudètes, d’où, détenu, il est rapatrié en tant que grand malade (12).

Il rejoint Combat en octobre 1941, Jean-Marie en novembre 1942, puis Ajax en 1943, après que, affecté en Surveillance du Territoire à Marseille, il ait pu apparaître un temps comme un exécutant fidèle de la politique de Vichy (13). Il travaille étroitement avec le 2e Bureau, pour lequel il effectue des enquêtes et transporte des postes émetteurs, fournissant aussi des faux-papiers et brûlant des procès-verbaux d’interrogatoires.

Quand la police de Pétain entre en possession des fiches, oubliées dans un train, de la centaine d’agents du réseau Radio-Patrie en région marseillaise, Théus est chargé d’en arrêter 48. Il convainc sa hiérarchie de procéder à toutes les arrestations d’un coup en constituant 100 équipes dont les chefs sont réunis, et dûment briefés, en chef avisé... Entretemps, il joint le chef du réseau menacé, lequel avertit tous les intéressés, qui peuvent se sauver. Il avait un peu plus tôt, aidé de la même manière de nombreux membres de Combat, dont un agent avait été arrêté avec 250 adresses sur lui…

Le commissaire organise aussi une contre-surveillance autour d’une villa occupée les services vichystes, permettant d’éviter l’arrestation des membres de l’organisation Froment-Fourcanet qui devaient s’y rassembler. Théus avertit également les dirigeants du Parti Communiste d’une série d’arrestations projetées, et leur indique les noms des membres qui le trahissent. Il prévient de même les maquis de la région des opérations projetées contre eux. En 1943, il place un de ses agents auprès de Palmiéri, un gestapiste local, lequel a identifié l’origine de fuites grâce à des papiers trouvés dans un avion anglais qui n’a pas pu décoller de France.

Léon Théus (voir photographie ci-contre) organise, avec toute l’équipe ST de Marseille, l’évasion vers Londres de Marie-Madeleine Fourcade et de quatre autres responsables de L’Alliance après leur arrestation. Ils partent avec les armes du service, et trois inspecteurs les accompagnent en Angleterre. Un peu plus tard, en octobre, il exécute un agent des services allemands. Ceux-ci retournent deux collaborateurs de Théus, qui en identifie un et le re-retourne… Il est finalement informé d’un mandat d’arrêt lancé contre lui. Le 10 août, il échappe de peu aux Allemands venus l’arrêter dans son service : il croise dans l’escalier de son service les agents venus l’interpeller. Ils lui demandent même où était son bureau, ce qu’il leur indique avec sang-froid…

Il quitte le sud-est, avec l’aval de Buffet, son directeur central, qui le met en congé « pour raisons de santé ». Alors qu’il était chef d’ Ajax pour la région marseillaise, et responsable du sous-réseau Candide, Théus rejoint Peretti à Lyon et devient son adjoint. Après le départ de celui-ci vers Londres en mars 1944, c’est lui qui prend sa succession à la tête du réseau Ajax qu’il a contribué à créer. Il collabore également au journal Résistance-Police. Quand toutes les centrales des réseaux implantés en région lyonnaise sont disloquées peu avant le débarquement allié, c’est Ajax qui assure tout le trafic radio de la zone, en partie grâce à onze appareils repris des mains de la police de Vichy lors d’une audacieuse opération (14).

C’est l’inspecteur Luc Orabona (15) alias Le Loup, chef du centre d’antennes, qui assure un temps seul le trafic radio. Théus contribue alors à la remise sur pied des réseaux maltraités, en leur fournissant armes, postes émetteurs, courrier et fonds, échappant lui-même de peu à une capture lors de deux rendez-vous éventés par les Allemands. Il continue à sillonner la France (16) pour assurer la bonne marche de son réseau, changeant sans cesse d’identité comme de logement.

Homologué chef de mission de 2e classe (commandant), Léon Baptistin Théus prend sa retraite d’inspecteur général en mars 1966, commandeur de la Légion d’Honneur, décoré de la Croix de Guerre avec deux citations à l’ordre de l’Armée et titulaire de la médaille de la Résistance et de la Distinguished Service Order britannique. Il fut membre de la commission d’épuration de la police et resta longtemps président de la Confédération nationale des policiers et anciens combattants et résistants de la Sûreté Nationale et de la Préfecture de Police.

Il fut aussi maire de Prads (Basses-Alpes). Après le départ de Théus, le commissaire à la ST de Limoges Maurice Chambion devra quitter ses fonctions en février 1944 pour devenir chef de la Centrale de la zone sud d’ Ajax. Chambion a au préalable évité de nombreuses arrestations de résistants. Il avait auparavant milité à Givors. Il est décoré de la Croix de guerre avec citation à l’ordre de l’Armée et de la Médaille de la Résistance.

Après Peretti et Théus, le troisième homme d’ Ajax est Simon Raoul Cotoni (alias Monsieur Charles, Bonaparte, Alpacca, Étienne Calvin, Pierre Terreau).

Né en 1903 à Pila-Canale (Corse) – où une rue porte son nom-, entré dans la police comme inspecteur en 1925, Simon Cotoni (au centre de la photographie ci-contre) devient commissaire en 1932. Lors du conflit mondial, il est chef de la Surveillance du Territoire à Nice, où il a un conflit violent avec le service de renseignements de l’Armée, dont il refuse d’être l’instrument passif, et qui est exaspéré par ses recrutements d’agents dans lesquels les militaires échouent.

Ce sont finalement les Italiens qui exigeront son départ : il se trouve révoqué le 15 décembre 1942 et passe dans la clandestinité. Sa femme elle-même se trouve un temps emprisonnée. Dans la soirée du 15 juin 1939, Cotoni s’était déjà distingué en arrêtant en flagrant délit les auteurs d’un vol d’armes au Parc d’artillerie de l’Arsenal de Toulon. Puissamment armés, les voleurs s’étaient enfuis, forçant un barrage et ouvrant le feu à la mitraillette. Un auteur avait été arrêté lors de la fusillade, en possession d’un fusil-mitrailleur français nouveau modèle que le traître devait remettre aux Italiens.

Ses deux acolytes puis une femme complice sont alors aussi capturés. Quatre autres espions sont interpellés par après et tous écroués. Le policier sera plus tard celui qui connectera le colonel Paillole avec le responsable du contre-espionnage italien à Turin. Cotoni travaillera pour L’Alliance et pour le réseau PO4-Marine, et leur fournit protection, informations et moyens. Il organise le départ du commandant Faye, quand l’équipe de Marie-Madeleine Fourcade est arrêtée, et l’escorte vers la Suisse, où lui-même s’établit.

C’est Cotoni qui met en sécurité les enfants de Marie-Madeleine (17) dans le chalet familial de Villars-sur-Ollon. Il revient en France et, à la création d’ Ajax, il devient le chef du réseau Micromégas, filiale spécialisée dans le renseignement militaire et le contre-espionnage. Son activité tous azimuts le fera même soupçonner de travailler pour les services italiens ! Il sera particulièrement actif en Corse aux côtés de Fred Scamaroni, pour préparer le débarquement allié.

En 1943, il fait alerter via la BBC les maquis de Savoie de l’attaque projetée pour le lendemain par les Allemands. Cotoni travaille aussi un temps pour le réseau Farel du commissaire Dubois. Le policier est cependant l’âme de Micromégas, dont il fera un réseau qui recueille des renseignements militaires majeurs, sur les V1, les aérodromes allemands (la documentation de celui de Luxeuil est exemplaire) ou les ordres de bataille par exemple.

En décembre 1943, Cotoni, dont les liens avec l’ IS étaient anciens, développe aussi son contact avec un responsable du 2e Bureau suisse à Genève, Paul de Saugy, lors d’une réunion à Saint-Pierre-de-Cutille. Par son intermédiaire, seront rattachés à Micromégas-Ajax successivement deux réseaux de renseignements suisses œuvrant sur le sol métropolitain.

Dirigés par des Français, mais financés par la Suisse, les réseaux (18) Reymond (très implanté dans le quart sud-est et surtout dans le secteur d’Avignon) et Pierre (d’une grande efficacité dans le nord de la France et dans l’ouest), vont devenir les groupes La Fauvette et Jacques Messmer de Micromégas. Le courrier continuera d’être centralisé à Genève, pour repartir vers Londres via un pick-up près de Lyon.

La grosse centaine d’agents ainsi récupérés fournit un nombre remarquable de renseignements de qualité sur toute la France. Raymond Brival, le chef de Reymond sera félicité par de Gaulle lui-même. Pierre passera, apparemment pour des raisons financières, en avril 1944 sous le contrôle de Marco, un réseau giraudiste, ce qui provoquera l’ire de Cotoni.


 

                                                                                                                                                                                                                                                                                             

Et d'autres policiers résistants...

Parmi les agents récupérés par Micromégas, figure le policier Gabriel Rykner, et son groupe d’informateurs du secteur du Massif Central. Décoré de la Légion d’Honneur, de la Médaille de la Résistance et de la Croix de guerre, Simon Cotoni devient, en 1949, conseiller général en Corse. Il avait en effet échoué dans la tentative orchestrée par Peretti de faire de son ancien adjoint le chef de la Direction de la surveillance du territoire, qu’il venait de réorganiser, vaincu par l’excellent manœuvrier que fut Wybot, qui le poursuit de son habituelle tenace animosité. Il prend sa retraite de Contrôleur général en 1962. Un des hommes de l’ombre de Cotoni sera Antoine Gazano (19) - alias Jacques Veron, Ulysse - : malgré son modeste grade homologué (sergent-chef) il a joué un rôle-clé de courrier. Il a passé clandestinement la frontière franco-suisse une trentaine de fois pour acheminer les rapports du réseau ou pour chercher des instructions. Il sera arrêté par la gendarmerie de Saint-Julien-en-Genevois en avril 1943, mais relâché faute de preuves.

Puis, au retour d’une mission en Suisse, il est arrêté par les Allemands, mais parvient à s’enfuir. En janvier 1944, il échappe de peu à une nouvelle arrestation, quand le SD fait tomber un PC du réseau. Fin avril de la même année, Gazano cambriole la fabrique de cartes de police en métal de Besançon : une centaine de pièces serviront à la Résistance. Le policier est décoré de la Croix de guerre avec citation à l’ordre de l’Armée. Parmi les agents de liaisons d’ Ajax, l’inspecteur Paul Siciliano (20) - alias Plutarque -  joue un rôle notable.

Chargé de contacts entre la France et la Suisse au titre de Micromégas, le policier connaît admirablement les chemins vers les havres helvétiques. Cela n’empêchera pas son arrestation par les Allemands et son internement pendant presque un an, avant qu’il ne reprenne ses voyages… Décoré de la Croix de guerre avec citation à l’ordre du Corps d’Armée, il démissionne de la police en 1947. A la frontière helvétique, un des relais de Cotoni passe par l’inspecteur Louis Pezet (21)- alias Lezignan - : en poste à Saint-Julien-en-Genevois, il facilite les passages vers la Suisse, et assure lui-même le relais pour le courrier. Il se fera aussi remarquer en négociant le transfert dans la Résistance d’une quarantaine de gendarmes de Paris cantonnés à Annemasse.

Couvrant entre autres la région parisienne, Zadig se met en place grâce aux relations de Peretti au sein de la Préfecture de Police. C’est en effet Émile Pouliquen, qui met le futur président de l’Assemblée Nationale en relations avec celui qu’il a recruté et qui sera le chef de Zadig, le préfet André-Jean Godin et avec ceux qui seront ses collaborateurs directs, dont le commissaire Marie Pons. Parti voir Peretti à Lyon avec Godin, c’est Pouliquen qui propose celui-ci pour prendre la tête du réseau, que l’intéressé organise rondement.

Pouliquen devient le patron de la centrale de Zadig. Pons sera, avec Michel Sonnet, en charge de la centralisation et du tri des informations, qui sont transmises grâce à Paul Torricini à Londres via Lyon, siège de la centrale d’ Ajax. Parmi les exploits de Zadig, on compte la fourniture de nombreux renseignements relatifs aux V2 qui menaçaient Londres. Huit agents font une fois par semaine la liaison avec le siège des centres territoriaux : Lille, Chalons-sur-Saône, Strasbourg, Angers, Rouen, Amiens, Saint-Quentin, Versailles, Reims, Nancy, Besançon, Dijon, Avallon.… et avec Micromégas.

Pupille de la Nation et rédacteur à la Préfecture de Police, Émile Pouliquen - alias Saïd - est né en 1912 à Carjiaca (Corse). Il fait la connaissance de Peretti à Toulouse, chez son beau-frère Poggioli. Il devient le chef du principal secteur de Zadig : la région Ile-de-France. Il en dirige aussi la centrale. Profitant de son relationnel étendu, Pouliquen recrute largement au sein de la PP, à commencer par Godin, Pons, Poupaert et Redon : au total, environ 150 agents.

Au bout de quelque temps, Pouliquen est soupçonné par les Allemands. Invité sans succès par Peretti à quitter ses fonctions au sein de l’institution policière, Émile Pouliquen travaille avec le brigadier-chef de la Préfecture de Police Georges Clergeot qui cumule les rôles au sein de Zadig et du Front National de la Police parisienne.

Une coopération s’établit par exemple pour trouver des tenues destinées à des agents en mission pour la Résistance : ils font ainsi évader deux détenus de l’hôpital de la Pitié. C’est personnellement le chef du secteur Ile-de-France de Zadig, qui obtient les informations qui conduisent au bombardement de la gare de Vayres. Pouliquen manque de peu d’être arrêté en mai 1944, lors d’un contrôle de police dans un café de la place Saint-André-des-Arts : mais à la vue de cartes de police, les gardiens de la paix laissent la liberté à un quatuor de résistants, qui comptait aussi le successeur de Peretti à la tête d’ Ajax, le commissaire Léon Théus, le commissaire Georges Valantin, futur directeur de la direction centrale de la Police Judiciaire, et André-Jean Godin lui-même.

Émile Pouliquen, titulaire de la Légion d’Honneur, de la Médaille de la Résistance, et de la Croix de Guerre (deux fois cité), termine sa carrière en octobre 1975 comme directeur-adjoint de la Circulation, des transports et du commerce à la Préfecture de Police.

André-Jean Godin – alias Mahomet ou Antoine - est né en 1900 à Alger. Son père était préfet, procureur général de la Cour des comptes, président en 1926 du Conseil municipal de Paris et ancien directeur du cabinet civil de Georges Clemenceau. En 1926 le jeune Godin est détaché à la direction générale des Finances du Maroc dont il devient en 1927 chef de cabinet. Sous-préfet en 1928, il sert comme chef-adjoint au cabinet d’André Tardieu, ministre de l’Intérieur (1928-1930). En 1930, André-Jean Godin devient chef de cabinet du préfet de police puis, deux ans plus tard, directeur adjoint, chargé du service du matériel et des bâtiments.

Affecté au moment de la guerre comme attaché d’intendance au G.Q.G., il est démobilisé aussitôt après l’armistice et reprend ses fonctions à la PP. Dès septembre 1940, il organise, avec le commissaire Roger Pellevoizin, responsable des Services Techniques, la récupération d’un grand nombre de fournitures de valeur consignées par les Allemands et considérées comme prises de guerre. Il contribue en octobre 1940 au recueil de nombreux renseignements sur l’ennemi – notamment des plans d’aérodromes autour de Paris, toujours avec Pellevoizin – et s’efforce, par ses collaborateurs Michel Sonnet et Sarah Rosier, membres d’un groupe de Résistance, de les faire parvenir aux Alliés, via les Pyrénées. Godin rejoint ainsi la section PP du Groupe Frise (22), lequel devient plus tard le réseau Georges France.

Le 24 janvier 1941, une dizaine de membres (23) sont arrêtés, et l’organisation disloquée. Le silence de Sarah Rosier protège son chef officiel qu’elle avait recruté. Godin n’en continue pas moins son activité. Il tire d’affaire des réfugiés politiques étrangers en particulier grâce à l’aide du responsable du service des étrangers, Émile Redon, et assure le transit à Paris d’officiers de réserve ou du SR belges en route vers l’Angleterre. Il participe, d’autre part, à la diffusion de tracts et de journaux, et notamment du journal Résistance.

Le 1er octobre 1941, il est relevé de ses fonctions, puis, en 1942, se voit considéré comme démissionnaire d’office en tant que franc-maçon (24). Par Émile Pouliquen, Godin entre en contact au mois d’octobre 1943 avec le commissaire Peretti fondateur du réseau Ajax, et y adhère immédiatement. Il s’assure au sein de la PP des agents dans de nombreux services et fonde des filiales dans différentes administrations en vue d’y développer la résistance et la recherche de renseignements. Il transmet, pour Ajax, des informations vitales vers Londres, sur les unités allemandes, les terrains d’aviation, les défenses côtières, les transports, les matériels fabriqués pour les Allemands ou en matière politique.

C’est en janvier 1944 qu’il sera nommé officiellement chef du réseau Zadig, avec le grade de chef de mission de 2e classe. Il résulte de son rapport d’activités, qu’il a développé diverses actions, organisé des secours aux victimes des persécutions (évasions, changements d’identité, etc.), participé, entre le camp de Drancy et les familles des internés, à une filière par laquelle passent, pendant des mois, colis, correspondance et renseignements. André-Jean Godin (25) fait passer la ligne de démarcation à des Juifs (particulièrement des enfants) et distribue des fausses cartes d’identité et des cartes d’alimentation.

Selon le même rapport, affilié aussi au Mouvement national contre le racisme (MNCR), il se spécialise dans la recherche des renseignements susceptibles d’être utilisés par les groupes armés de la région parisienne. Pour lui également, il a monté, à la PP, un système d’informations et d’alerte qui semble avoir assuré la sécurité de nombreux groupements et sauvé nombre de personnes, comme dans l’affaire de la MOI (Main d’œuvre immigrée). Il peut ainsi prévenir ses camarades des aveux du responsable de la MOI, Davidowitz, arrêté et fort prolixe. La future femme de Godin, employée aux archives, fournit à son mari d’abondantes informations cruciales, qui permettent de dresser un tableau précis des implantations allemandes à Paris. Pendant la période qui précède immédiatement la Libération, il noue contact avec le Conseil National de la Résistance (CNR) et avec les délégués régionaux du général de Gaulle.

Le 19 août 1944, il prend ses fonctions de secrétaire général à la Préfecture de Police où il participe à la libération de Paris. Un groupe relevant de son réseau et dirigé par André Caillette prend la mairie de Neuilly. Il organise aussi grâce au professeur Moureu une équipe de trois enseignants du Collège de France qui fabriquent des cocktails Molotov dans les locaux de la PP. Godin est, après la guerre, préfet, député de la Somme (1946-1955) puis, proche de Pierre Poujade, il devient vice-président de l’Assemblée nationale (1951-1955). Il est par la suite administrateur de sociétés. André-Jean Godin (est décédé le 27 août 1989 à Paris. Il a été inhumé en Gironde. Il était Commandeur de la Légion d’Honneur, Compagnon de la Libération, titulaire de la Croix de Guerre 39-45 avec trois citations, de la Médaille de la Résistance avec rosette, et de la King’ s Medal for Courage.

Marie Joseph Léon Pons, né en 1901 à Aumont (Lozère), intègre la Préfecture de Police à l’âge de 24 ans comme secrétaire de police. Commissaire en 1936, il rallie rapidement la Résistance, rejoignant successivement plusieurs réseaux. Il est membre du groupe R (Renseignements) du Régiment d’Infanterie Coloniale du Maroc, rattaché au réseau franco-polonais F2 dès décembre 1940. Puis il devient Peyre à l’Organisation de Résistance de l’Armée, et en juin 1943 Sidi-Moussa chez Ajax. Au début de la guerre, il a été détaché à la Censure, qui se replie le 9 juin 1940 vers Tours.

Pons entame alors une épuisante course pour rejoindre son service qui a toujours un temps d’avance dans son repli… Il aide dès les premiers mois de l’Occupation au rapatriement d’aviateurs alliés en perdition, puis développe son action autour du renseignement et de l’information des personnes recherchées, fédérant son personnel du commissariat de la Porte Saint-Denis. Il fait personnellement passer la frontière espagnole à des fugitifs, camoufle armes et munitions, prévient les résistants menacés, centralise des informations pour Ajax et accueille des clandestins.

C’est lui qui recrute en 1943 le futur directeur de la Police Municipale, Georges Maurice (voir portrait ci-contre). A la Libération, Pons devient directeur des Renseignements Généraux et prend sa retraite en 1958. Il est titulaire de la Légion d’honneur, de la Médaille de la Résistance avec rosette, et de la Croix de Guerre.

Émile Léon Élie Redon naît à Saint-Félix-de-Sorgues (Aveyron) en 1892. Il est grièvement blessé en août 1914 et fait prisonnier. Amputé d’un bras, on le rapatrie en mars 1915. L’année suivant, il devient expéditionnaire à la Préfecture de Police, puis chef de bureau en avril 1934. En fonction à la tête du service des étrangers, il sabote des dossiers de dénaturalisation et régularise nombre de situations de Juifs et autres personnes en situation irrégulière.

Il rejoint Ajax en novembre 1943, recruté par Pouliquen, puis Zadig sous le pseudo de Bamou en mars 1944, concrétisant ainsi un engagement déjà ancien dans les activités résistantes, qu’il exerçait avec son épouse, elle-même arrêtée fin 1943 pour appartenance à un groupe gaulliste: elle avait donné asile au domicile conjugal à des résistants recherchés pour avoir envoyé à Londres les plans de défense aérienne du port de Gennevilliers. Sa libération le soir-même fait partie des bonnes actions à mettre au crédit du fameux ferrailleur Joseph Joinovici.

En 1947, les soupçons pesant sur celui-ci vaudront à Émile Redon d’être brièvement suspendu pour avoir truqué son dossier de naturalisation (26), avant d’être totalement innocenté. Il avait connu un sort identique à la mi-1943, après avoir été soupçonné de trafic de cartes de séjour, sur dénonciation d’un de ses collaborateurs. Émile Redon termine sa carrière comme directeur de la Police Générale, commandeur de la Légion d’Honneur, Médaillé Militaire, titulaire de la Médaille de la Résistance et de la Croix de Guerre avec deux citations, dont une à l’ordre du Corps d’armée. Pour la petite histoire, retenons que c’est Émile Redon qui recueille dans sa maison familiale de Saint-Félix-de-Sorgues l’œuvre peint de Kandinsky, devenu son ami. Une cinquantaine de caisses trouve refuge dans l’étable contigüe, pour échapper à l’autodafé nazi et sera resituée à l’artiste à la Libération.

Le commissaire Pierre Maurice Gobin est né en 1906 à Saint-Mandé. Secrétaire de police en avril 1924, il devient commissaire en août 1937. Déchargé de ses fonctions le 24 avril 1942, il est déclaré démissionnaire d’office car franc-maçon. Il rejoint Zadig dès sa création, étant de ceux qui assurent les contacts avec Libé-Nord par l’intermédiaire de son collègue de la Sûreté nationale, le commissaire divisionnaire Albert Marie Biget, et avec le Front National de la Police, par l’intermédiaire du gardien de la paix Louis Pioche (27).

Réintégré en mai 1944 comme directeur-adjoint de la Police Municipale, il termine sa carrière en juillet 1965 en tant que directeur. Le brigadier-chef Octave Auguste Pillard naît en 1903 à Ousson (Loiret). Il devient gardien de la paix à la Préfecture de Police en mars 1928. Dix ans plus tard, en juillet 1938, il est un jeune brigadier-chef, responsable du bureau des transmissions au sein de la Police Municipale. Dans ce poste, il rend des services à la Résistance, la renseignant sur tout ce qui passe par la salle radio. Il officialise son action en adhérant en mars 1944 à Zadig, puis participe aux combats pour la libération de Paris.

Il prend sa retraite en octobre 1958 comme commandant des gardiens de la paix. Proche est le cas du gardien de la paix Charles Marius Morel (28), né en 1901 à Ferfay (Pas-de-Calais). En poste à l’État-major, il est arrêté par les Brigades Spéciales le 2 janvier 1944 pour avoir détourné un document pour la Résistance. Considéré comme démissionnaire en avril 44, réintégré, il part en retraite comme officier de paix en mai 1956.

Né en 1911 à Fécamp, le brigadier de police René Léonard Bibès est entré à la Préfecture de Police comme gardien de la paix en mars 1926. Nommé brigadier en mars 1935, il entre tôt dans la Résistance, d’abord à l’Armée Volontaire, puis à Ajax et Thermopyles, sous le pseudo de Choubonne et l’indicatif RZ 2053. Ce père de cinq enfants assure l’hébergement de parachutistes, mais sert aussi d’agent de renseignements et établit des faux-documents.

Devenu commissaire en septembre 1944, il est placé à tête du XVIIIe arrondissement. Extrêmement courageux, il est plusieurs fois blessé en action, et perd l’œil gauche. Il prend sa retraite en juin 1949, titulaire de la Légion d’Honneur et de la Croix de Guerre. Brigadier-chef d’inspecteurs depuis octobre 1940, Louis Maurice Migeon - alias Lisette - est alors un policier qui a fait ses preuves. Né à Cosne, dans la Nièvre, en 1899, il est gardien de la Paix à la Préfecture de Police en juillet 1922, et inspecteur en janvier 1927. Il adhère dès février 1943 à SSMF-TR (29), puis à Ajax et au Groupe Bertin, rattaché au NAP.

Il a sous ses ordres un petit groupe de résistants, dont Robert Gilles. Migeon est avec son collègue Marcel Deliry (30) un des collaborateurs du commissaire Paul Émile Martz pour assurer la sécurité du général Revers, chef de l’ ORA (31). Migeon prend part aux combats de la Libération au sein du corps-franc des Renseignements Généraux et de la Police Judiciaire dirigé par l’inspecteur principal Paul Mathieu. Après-guerre, il défend courageusement son collègue résistant des brigades spéciales Joseph Curinier, en butte à la vindicte d’Arthur Airaud à la tête de la Commission d’épuration (32).

Décoré de la Légion d’Honneur, il prend sa retraite en février 1955 comme officier de police technique. Un de ses informateurs est donc Robert Gilles, né en 1917 à Juvisy-sur-Orge : ce rédacteur rejoint la PP en avril 1941 et devient sous-chef du bureau du Cabinet. Il assure aussi deux fois l’intérim du service des internés politiques, où il obtient une quarantaine de libérations. Il communique à Migeon des informations sur les partis, les collaborateurs, les circulaires confidentielles, des informations militaires, les listes de miliciens. Gilles est sous-directeur en octobre 1944 et termine sa carrière comme directeur de la circulation.

Jusqu'à la Libération

Il a sous ses ordres un petit groupe de résistants, dont Robert Gilles. Migeon est avec son collègue Marcel Deliry (30) un des collaborateurs du commissaire Paul Émile Martz pour assurer la sécurité du général Revers, chef de l’ ORA (31). Migeon prend part aux combats de la Libération au sein du corps-franc des Renseignements Généraux et de la Police Judiciaire dirigé par l’inspecteur principal Paul Mathieu. Après-guerre, il défend courageusement son collègue résistant des brigades spéciales Joseph Curinier, en butte à la vindicte d’Arthur Airaud à la tête de la Commission d’épuration (32).

Le gardien de la paix Louis Ernest Moreau Ibrahim est né en 1901 à Autun (Saône-et-Loire). Il rejoint rapidement la Résistance, dans les réseaux Zadig et Turma-Vengeance (33) et, soupçonné par les Autorités de Vichy, se trouve retiré du tableau d’avancement. Il consacre une large part de son activité résistante au sauvetage de Juifs : son dossier comporte de nombreux témoignages de gratitude dont ceux de Mmes Salom et Rosenblum, des docteurs Blumenthal et Salom, de MM. Lebovici et Hopfeld (34).

A la fin de 1941, Moreau est dénoncé pour refus d’exécuter des ordres : il a refusé d’intervenir contre des Juifs enfermés dans le gymnase Japy. Menacé de révocation, il est sauvé par son chef, le commissaire Berdaguer. Il établit aussi des faux-documents au profit de prisonniers évadés et pour des réfractaires au STO.

Moreau fournit également à Ajax des renseignements militaires. Il héberge durant trois mois Serge Clergeot, le fils d’un des responsables du FNP, recherché par les Allemands, qui l’abattront plus tard. A la demande de Jean Straumann, c’est Moreau qui est désigné pour les liaisons entre la Cité et le commissariat d’Asnières pendant les combats de la Libération.

Il prend sa retraite de commandant de gardiens de la paix en septembre 1956. L’inspecteur Robert Duc (35) fait partie de l’équipe qui prépare un plan de défense de la PP : il contribuera à sa mise en œuvre lors des combats pour Paris. Entre 1941 et 1942, il est détaché aux RG de Bourges aux côtés du commissaire Bergé. Il y assure le franchissement de la ligne de démarcation au profit de Juifs et de prisonniers évadés.

Le policier fournit aussi des informations sur les expérimentations menées par les Allemands sur le terrain d’aviation d’Avord. Pendant les journées insurrectionnelles, il sera en charge des liaisons entre la PP, l’Hôtel de ville et le CNR. Duc était membre d’Ajax et de Libé-Nord. Il est décoré de la Médaille de la Résistance et de la Croix de guerre. Enfin, Paul Sébastien Orsoni – Belgacem – est né en 1906 à Montemaggiore (Corse).

Commis en 1942, il est arrêté par les Allemands en septembre de la même année et libéré en janvier 1943. Il quitte le service lors des arrestations du commissaire Michel Hacq et de Francis Finelli. Il relaie vers Ajax les informations fournies par Renée Juliette Marc, née en 1902 à Tunis, aussi membre de l’OCM : en juin 1940, elle tente de rejoindre l’Afrique du Nord sans y parvenir. Elle sauve la famille Bourgès-Maunoury de la déportation en contrant une dénonciation. Elle sera directeur de cabinet du ministre de la Santé publique à la Libération.

 

 

NOTES DE BAS DE PAGE

(1) Ce qui est faux : le réseau comportait un peu plus de 50% de policiers.
(2) La note du BCRA du 29 juin 1943, signée Tony Mella, crée la « Mission Ajax », nantissant son chef de larges compétences.
(3) Passy in Le Colonel Passy, Guy Perrier (Ed Hachette).
(4) Pour Zadig, la partie parisienne du réseau, voir ci-dessous. Pour l’ensemble d’ Ajax, se reporter au livre très détaillé d’Yves Mathieu : Le réseau Ajax, auquel nous empruntons ponctuellement quelques précisions.
(5) Le commissaire René Serre, futur chef de secteur de Mithridate et d’ Ajax, sera aussi mis en cause pour des actions contre des résistants. Il a cependant une importante activité résistante au sein de la ST de Montpellier.
(6) Bon connaisseur de l’institution, Paillole évoquera une police « déboussolée », « déchirée entre les directives qu’elle reçoit et ses sentiments profonds de patriotisme ».
(7) Créé par Roger Wybot, futur directeur de la surveillance du territoire… que Peretti, un jour, affrontera.
(8) Ajax absorbera les réseaux Stuart et Marco, quand ceux-ci sont dépecés par les Allemands.
(9) En collaboration avec Morhange.
(10) in Le réseau Ajax, op. déjà cité.
(11) Épouse Prigent, née en 1918 à Calenzana (Corse).
(12) Il avait subi une grave opération à l’estomac.
(13) Théus était resté en fonctions sur instructions expresses de Londres.
(14) Théus sera convoqué en juin 1946 pour cette affaire par un juge d’instruction… L’opération avait été dirigée par Orabona. Parmi les radios du réseau à cette époque, figure l’inspecteur Marceau Husson.
(15)  Né en 1912 à Ajaccio (Corse). Le 10 mars 1944, avec un agent de protection, l’inspecteur parvient à échapper à quatre Feldgendarmes qui tentaient de fouiller ses bagages, alors qu’il circulait à vélo, avec son poste, vers Orgelet (Jura)… Après un échange de coups de feu entre les Allemands et les deux Français, ces derniers peuvent fuir à travers bois après avoir tué un de leurs adversaires. Le poste reste entre les mains des Occupants, sans les quartz. Orabona émettait normalement depuis Pannessières où résidait son beau-frère, Louis Azario. Après la confrontation avec les gendarmes allemands, Orabona doit se réfugier à Toulouse. Quand les Allemands opèreront un grand coup de filet sur les radios en région lyonnaise, le policier revient sur place, réorganise son dispositif radio et recrute à cette fin une trentaine d’agents.
(16) Il manque de peu d’être arrêté à Paris en mai 1944.
(17) Il propose aussi au commandant Faye de l’exfiltrer vers la Suisse mais essuie un refus.
(18) Voir le mémoire de David von Felten.
(19) Né en 1912 à Bonifacio (Corse).
(20) Né en 1910 à Phnom-Penh (Cambodge).
(21) Né en 1909 à Luc-sur-Orbieu (Aude)
(22) Créé par Marguerite Gorge Madame Louis.
(23) Quelques collaborateurs de Mme Rosier peuvent poursuivre le combat : ainsi Paul-Louis Beaumont, professeur de dessin et décorateur à la PP passe à Ajax. Le commis Joseph Flori se distingue pendant la libération de Paris en distribuant de barricade en barricade des cocktails Molotov. Enfin Émile Sauret devient un des responsables de la sécurité d’ Eleuthère : il est décoré de la Croix de Guerre.
(24) Loge des Hospitaliers Écossais.
(25) Raymond Dronne attribue à Ajax-Zadig et à Godin des rôles majeurs dans l’insurrection PP : cela ne correspond pas à la réalité.
(26) Agrémenté d’un médiocre rapport des Renseignements Généraux  où fleurissent les erreurs, les on-dit et les approximations.
(27) Pioche est né en 1895 à Combeaufontaine (Haute-Saône), retraité comme officier de paix en avril 1950.
(28) Morel n’apparaît pas comme étant membre d’un réseau.
(29) Service de Sécurité Militaire, camouflé par le colonel Paillole en Travaux Ruraux.
(30) Deliry est né en 1901 à Paris.
(31) Organisation de Résistance de l’Armée. Adjoint au Gouverneur Militaire de Paris, Revers a, à cette époque, comme opérateur radio au PC de l’ ORA, un agent de la Police Nationale : l’inspecteur Sylvestre Paul Boussion (né en 1911 à Paris).
(32) Il est vrai que Curinier avait quelques arrestations à se faire pardonner…
(33) Recruté par le gardien Jean Lazennec.
(34) Membre du même réseau, le gardien de la paix Jean Fieschi alias Lakdar se spécialise aussi dans le sauvetage des Juifs. Il n’en est pas moins sanctionné en Commission d’épuration pour en avoir arrêté une dizaine qu’il n’a pas pu prévenir à temps, les listes n’étant remises que la veille au soir.
(35) Né en 1913 à Crampagne (Ariège).